Avec Le patriarcat me coûte un rein, Camille de Decker signe un essai aussi nécessaire que percutant. Derrière la clarté des chiffres et la rigueur des faits, se déploie une plume vive, mordante, engagée. Un texte qui redonne à l’essai féministe sa pleine dimension littéraire.
Une écriture incarnée, entre lucidité sociale et humour grinçant
Dans ce livre publié chez Beta Publisher, dans la collection À Sexe Égal, Camille de Decker choisit une posture peu commune : celle de mêler rigueur documentaire et subjectivité assumée. Elle écrit à la première personne, mais sans jamais enfermer son propos dans l’anecdote. Son « je » est celui d’une génération, d’un vécu partagé, d’une conscience politique en mouvement. Le style, direct et vivant, oscille entre ironie, colère et clarté pédagogique. L’autrice réussit ainsi à transformer des données brutes en récits percutants, des constats froids en chapitres littéraires.
Chaque page pose un diagnostic social, mais aussi un ton. Elle ne cherche pas à convaincre par des abstractions, mais par des scènes de vie, des phrases choc, des mises en perspective intelligentes. L’effet est immédiat : on lit, on comprend, on accuse réception.
Une filiation littéraire affirmée : Chollet, Lecoq, Ernaux… et de Decker
En choisissant de parler du réel sans filtre, de politiser l’intime sans pathos, Camille de Decker s’inscrit dans la lignée d’autrices comme Mona Chollet, dont Sorcières et Réinventer l’amour ont redonné ses lettres de noblesse à l’essai féministe littéraire. Comme Titiou Lecoq, elle manie la statistique avec humour, désamorce les tabous, et vulgarise sans jamais simplifier. Et dans certaines pages plus graves, notamment sur la précarité menstruelle ou le coût silencieux du corps féminin, on devine l’ombre tutélaire d’Annie Ernaux : même attention au détail social, même manière d’écrire l’ordinaire avec force.
Mais Camille de Decker impose aussi sa propre tonalité. Elle parle aux jeunes générations avec une justesse de ton rare, sans condescendance ni théorisation pesante. Son écriture est celle d’un féminisme d’action, de terrain, qui refuse l’abstraction et revendique l’addition : « Ce n’est pas une opinion, c’est une addition », annonce-t-elle dès l’introduction. Tout est dit.
Quand la littérature s’attaque au système
Plus qu’un essai, Le patriarcat me coûte un rein est un outil, un cri, une boussole. Il montre que la littérature peut encore avoir une portée sociale, économique, politique. Il prouve qu’un livre peut nourrir le débat public autant que la réflexion intime. Et surtout, il donne une voix forte, libre et claire à celles qu’on a trop souvent sommées de se taire, ou de ne pas déranger. Chez Beta Publisher : www.betapublisher.com
